Les animaux sont des symboles puissants. Nous leur attribuons des traits et des personnalités, nous modélisons des jouets en peluche après eux et les nommons ensuite. Pour la plupart, nos premiers mots sont des imitations de sons d’animaux. Pas étonnant que les images d’animaux en flammes de Christian Houge nous mettent mal à l’aise.
Pendant sept ans, le photographe norvégien a collectionné des animaux empaillés. Il les a débusqués dans diverses maisons de vente aux enchères à travers le monde. Certains ont également été trouvés dans des magasins de taxidermie ou directement auprès de collectionneurs de trophées. L’industrie de la conservation des animaux va de pair avec l’histoire coloniale.
Une critique du colonialisme ?
Les colons des pays africains et asiatiques étaient friands de chasse, les plus gros animaux étaient les plus recherchés. La chasse était un jeu d’Hommes riche, et un trophée de chasse était un symbole de force et de puissance.
“Mon intention n’est pas de provoquer mais de poser des questions.”
CHRISTIAN HOUGE
Les animaux de Christian Houge n’ont pas été tués ni empaillés à l’époque moderne. Il a volontairement choisi d’anciens spécimens d’espèces variées telles que des perroquets, des cobras et des cerfs. En fond ? Un papier peint anglais d’un autre temps, évoquant la bourgeoisie britannique et le colonialisme. Il a ensuite incendié les animaux, un par un puis les a photographier pendant leur combustion.
“Je veux diriger le regard sur les gens, à travers les animaux. L’homme s’est constamment efforcé d’apprivoiser la nature et de la maîtriser. Un animal en peluche, condamné à la vie éternelle dans les limbes, est un symbole de la vision de l’homme de la nature.”
CHRISTIAN HOUGE
Le rituel du feu
Mettre le feu à l’animal est hautement rituel pour Christian Houge. Il travaille méthodiquement, il y a une tendresse dans son processus qui se termine par l’annihilation de la peluche. Il y voit une libération de l’animal, une catharsis. Ayant existé dans un état figé sans être ni animal ni nature (mais plutôt partie d’une culture construite humainement), l’animal mort obtient la paix. Il disparaît également du marché et ne peut donc pas être revendu.
“C’est très émouvant pour moi. Le plus souvent, ce sont les petits animaux qui me touchent le plus, pour les voir disparaître dans les flammes. Même si je sais qu’ils ont des boules en verre ou en plastique pour les yeux, je ne peux pas m’empêcher de croiser leur œil. C’est universel, nous essayons de chercher l’œil d’un autre être. Regardez la photo du cerf en feu, regardez la confiance et l’honnêteté qui sont là, dans ses yeux. Même si nous savons que l’animal est mort.” Christian Houge
Le symbolisme de l’our blanc
Christian Houge se souvient très bien du premier animal qu’il a brûlé et de ses émotions alors. Il a grandi dans la forêt de Norvège et dans son art, a toujours exploré la relation entre l’homme et la nature. En tant que Norvégien, il a un lien particulier avec l’ours polaire, qui à bien des égards est un symbole de la Norvège.
“L’ours polaire est sacré, vous ne le touchez tout simplement pas. Voir l’ours polaire en contraste complet avec son élément naturel, disparaître dans les flammes, a provoqué des émotions sauvages. J’ai acheté cet ours polaire lors d’une vente aux enchères en Norvège et par la suite, la maison de vente aux enchères m’a dit qu’elle ne vendrait plus de taxidermie, qu’elle ne pouvait plus le soutenir.” Christian Houge
Retrouvez le portrait de Christian Houge sur le site du Fotografiska de Stokholm ainsi que le site de l’artiste.
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