Le photographe britannique Jimmy Nelson parcourt le monde en photographiant des peuples indigènes et tribaux. Mais, loin des clichés les dépeignants comme victimes de la destruction de l’environnement ou du colonialisme il préfère les édifier en représentants fiers et forts de leur culture menacée.
Un accueil mitigé
Photographier les peuples et les tribus autochtones est controversé. Et travailler et préparer les photographies en vue d’en améliorer l’esthétique crée encore plus de débats. Jimmy Nelson s’en est rapidement rendu compte. Si pendant trois ans il a suivi et photographié 35 tribus différentes de l’Europe au Pacifique, le rendu final était très loin des attentes d’une certaine partie du public.
Beaucoup de gens s’attendaient probablement à des images de victimes de l’occidentalisation du monde, opprimées et dont l’existence est menacée. Au lieu de cela, Jimmy Nelson a montré des portraits colorés remplis de fierté. La critique de l’exotisme et du fait que Nelson embellit les personnes exploitées n’a donc pas tardé à suivre.
“Au début, j’ai été surpris par les critiques. Avec mes photos, je voulais montrer la beauté, sensibiliser davantage les gens aux cultures menacées. Mais aussi montrer leur fierté et leur force.”
Jimmy Nelson
L’art derrière le documentaire
Les images de Jimmy Nelson peuvent à première vue sembler documentaires, mais elles montrent rarement le quotidien peu glamour. Il espère que sa représentation subjective pourra créer un plus grand intérêt pour les cultures et les lieux en voie de disparition qu’il documente.
“Ce serait présomptueux de me qualifier d’artiste. Mais d’un autre côté, mes images ne sont pas des documentaires. Ce n’est pas du photo-journalisme, mais une version mise en scène, souvent embellie, de la réalité. Donc je suppose que mes photos peuvent être considérées comme de l’art. Mes photos sont avant tout une collaboration avec ceux que je photographie. Elles sont très participatives et c’est ainsi que les gens veulent être vus par le monde extérieur.
L’inspiration de Jimmy Nelson
Jimmy Nelson est né dans le Kent britannique en 1967, mais il a passé une grande partie de son enfance à voyager à travers le monde. En accompagnant son père, qui travaillait comme géologue, Jimmy a pu découvrir l’Afrique, l’Asie ou encore l’Amérique du Sud. À sept ans, il a été envoyé dans un pensionnat jésuite strict du Lancashire.
“C’était un environnement extrêmement dur. J’ai dû endurer tellement d’abus, physiquement & mentalement, que mes cheveux sont finalement tombés à cause de tout le stress. J’étais totalement en panne, plus rien ne signifiait plus rien.”
Jimmy nelson
À 17 ans, il abandonne l’école et se lance dans un voyage qui l’a finalement conduit au Tibet. Il apporte un simple appareil photo et commence à documenter la vie des autochtones qui l’accueillent chaleureusement. Quand il revient en Angleterre deux ans plus tard, les images sont publiées dans la prestigieuse revue du National Geographic.
Le fait qu’ils aient choisi de publier les images avait plus à voir avec la valeur sensationnelle que leur qualité. À cette époque, il était presque impossible d’entrer au Tibet, donc il y avait un grand intérêt pour les photos de là-bas.
La fin de l’insouciance
Aujourd’hui, Jimmy Nelson, 51 ans, mène une vie complètement différente de celle de 17 ans, qui ne se souciait alors pas vraiment de sa propre sécurité. Aujourd’hui, il dirige neuf employés dans le cadre de la Jimmy Nelson Foundation, une organisation qui protège les peuples autochtones vulnérables.
En 2018, il publie le livre Hommage à l’humanité, une œuvre phénoménale comprenant plus de 400 photographies de 30 tribus différentes. Cette fois, le livre fait la part belle à l’information et aux interviews des peuples. Ainsi, il échappe à la critique qui fut celle de Before They Pass Away.
Pour son prochain projet Jimmy Nelson s’inspirera de sa vie de découvertes. En effet, il prévoit de revenir sur les tribus qu’il a visitées précédemment tout en essayant de prendre une image unique, déterminante et ultime de chaque tribu. Au niveau du procédé photographique, il n’emportera qu’un appareil photo grand format 10 × 8.
“Au cours de mes projets précédents, je me suis beaucoup inspiré d’Edward S. Curtis et de ses portraits des peuples autochtones américains.
Cette fois, je suis inspiré par le sens du paysage d’Ansel Adam, les compositions parfaites d’Irving Penn et l’œil de Richard Avedon pour les portraits, et j’essaie de combiner cela en une seule image.”
JIMMY NELSON